
29 ans après le tsunami provoqué par l’arrêt Bosman qui avait jugé pleinement applicables au sport pris dans sa dimension économique les libertés garanties aux travailleurs par le droit de l’Union européenne, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) vient de récidiver par trois arrêts rendus en Grande chambre le 21 décembre 2023 qui vont à l’évidence profondément remettre en question l’organisation sur laquelle repose le système des compétitions sportives européennes. Il importait ensuite de mieux saisir la portée de ces arrêts sur l’organisation du sport et son devenir en réunissant les responsables du mouvement sportif et les « tiers intéressés » qui peuvent être amenés à la restructuration du modèle sportif européen.
Dans ces trois affaires la Cour était saisie de la compatibilité avec le droit européen, en particulier de la concurrence, des règles d’organisation de certaines compétitions fixant des conditions restrictives d’accès tant pour les participants que pour les potentiels concurrents sur le terrain de compétitions parallèles. Considérant que les règlementations contestées
entraient pleinement dans le champ des dispositions du Traité FUE relatives au droit de la concurrence, notamment ses articles 101 (ententes anticoncurrentielles) et 102 (abus de position dominante), la Cour les jugeait, « par nature » ou par leur objet, anticoncurrentielles du fait de l’opacité et des discriminations à l’entrée sur le marché. Reconnaissant toutefois la légitimité du pouvoir des fédérations sportives de création et d’organisation des compétitions, la CJUE subordonne ce pouvoir au respect de règles procédurales respectueuses du droit européen de la concurrence. Pour cette raison, le recours à l’arbitrage du TAS qu’énoncent les règlements sportifs est mis en question du fait de l’absence de contrôle de la validité des sentences au regard du droit de l’Union.
Ces arrêts semblent d’autant plus sévères que les conclusions des avocats généraux prenaient nettement en considération le « modèle européen du sport » que dessine l’article 165 TFUE, la spécificité du sport justifiant une application dérogatoire des libertés économiques visées par le Traité. Une analyse rejetée par la Cour qui cantonne strictement la spécificité
sportive au respect des principes piliers du droit de l’Union, dont font partie le droit de la concurrence et le principe de libre circulation. Il convenait d’abord de mesurer le sens exact de ces arrêts, confrontés à la jurisprudence européenne précédemment rendue en matière de sport mais aussi en droit de la concurrence et des libertés économiques en associant praticiens et universitaires spécialistes du droit de l’Union et du droit du sport.
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